mardi 2 septembre 2014

Pourquoi Israël perd les guerres militaires et médiatiques

par Daniel Greenfield

À intervalles réguliers, des hommes politiques désorientés et autres responsables dépassés organisent des conférences afin d’essayer de comprendre pourquoi la Hasbara ne réussit pas et pourquoi Israël ne parvient pas à faire entendre son point de vue. Comme toujours, on leur suggère de recourir davantage aux cabinets de conseil en relations publiques, de trouver des manières innovantes de faire passer leur message, d’utiliser l’Internet de façon plus astucieuse et, bien sûr, cette éternelle tarte à la crème : présenter une nouvelle image d’Israël. Naturellement, ils suivent ce conseil, mais avec pour seul résultat d’organiser une nouvelle conférence un an plus tard, afin d’essayer de comprendre pourquoi rien n’a changé.

La réponse est assez simple. Une opération de relations publiques pour se défendre, c’est comme une guerre défensive, ce n’est jamais efficace. Or, dans les relations publiques comme sur le champ de bataille, cela fait maintenant plusieurs décennies que les Israéliens sont sur la défensive. Résumé en une seule phrase, le message d’Israël donne ceci : « Nous n’avons rien fait de ce dont on nous accuse ». C’est le genre de message qu’on s’attend à entendre dans la bouche des accusés lors d’un procès pénal, et c’est le genre de message qui n’impressionne personne. Son seul effet est de susciter un débat sur la validité des accusations mêmes, soit l’équivalent, en termes de relations publiques, de ce qu’a été Stalingrad pour le front russe.

La récente affaire Aftonbladet [1] est l’exemple même d’un scénario démontrant que la stratégie défensive d’Israël en matière de relations publiques est vouée à l’échec, encore et toujours. Le tabloïd suédois Aftonbladet a publié un article prétendant que des soldats israéliens tuaient des Arabes palestiniens pour leur prendre leurs organes. Le gouvernement israélien a déclaré que cet article ne présentait aucune preuve, que rien de tel ne s’était jamais produit, et il a exigé un démenti du journal et sa condamnation par le gouvernement suédois. Le seul résultat qu’Israël ait obtenu a été de faire connaître au monde cette fausse allégation et de susciter ainsi un débat sur le point de savoir si les soldats israéliens tuaient ou non des Arabes palestiniens pour s’emparer de leurs organes. Il ne restait plus à l’auteur de l’article, ravi de sa notoriété toute fraîche, qu’à aller plus loin encore dans ses allégations [2] et à entreprendre une tournée dans le monde arabe. Quant aux propagandistes gauchistes, ils ne peuvent que rire de la tournure prise par les événements car, une fois de plus, Israël s’est fait pigeonner en entrant dans le jeu, perdu d’avance, qui consiste à s’expliquer publiquement en position défensive.

Toute guerre défensive est une réaction passive. Depuis vingt ou trente ans, Israël s’épuise à ne faire que réagir. Par réagir, je veux dire qu’Israël continue l’offensive. Durant la guerre des Six-Jours, Israël avait réagi au plan d’attaque de Nasser en le devançant et en passant à l’offensive. Résultat : Israël a connu son heure de gloire. Lors de la guerre du Kippour, Israël a attendu passivement, et il a failli être détruit.

Peu de pays peuvent se permettre de se limiter à réagir et à se défendre, et Israël moins que tout autre, car il est dépassé en nombre par des ennemis plus grands et plus nombreux qui peuvent l’avoir à l’usure en recourant simplement à la force brute. Et c’est exactement ce qui se passe, aussi bien dans les médias que sur le champ de bataille. La campagne de terrorisme planifiée, financée et menée d’abord par l’URSS, puis par le monde arabo-musulman, a laminé Israël, militairement et politiquement.

Les plus grandes ressources d’Israël étaient sa capacité d’innovation, sa mobilité et son génie, des qualités exploitables surtout dans une offensive. Mais Israël est resté sur la défensive, ne cessant de battre en retraite, d’abandonner le territoire physique et idéologique à ses ennemis, tout en se demandant combien il devait céder encore pour arrêter l’hémorragie, ce qui est précisément le type de réaction qui ne peut que l’acculer encore davantage à la défensive.

Israël veut une solution au conflit. C’est aussi ce que veulent ses ennemis, tant dans le monde musulman qu’à gauche et à l’extrême droite. Une solution finale. Chaque tentative d’Israël de proposer une solution n’a abouti qu’à le rapprocher de cette solution finale. Plus Israël a voulu montrer sa bonne volonté, plus il s’est trouvé acculé à la défensive. L’objectif des gouvernements israéliens successifs n’est plus d’être une grande nation ni une nation forte, mais d’être une nation qui plaise à tout le monde.

Le problème, c’est que « tout le monde », c’est un milliard de musulmans et un nombre important de gauchistes qui considèrent l’existence même d’Israël comme une offense à leurs convictions profondes. Et puis, il y a les intérêts commerciaux des Occidentaux, qui croient que les Arabes seraient bien plus aimables avec eux s’il n’y avait pas Israël au milieu. Et la Russie, qui entretient des guerres au Moyen-Orient comme un jardinier entretient ses fleurs. Enfin, il y a le reste du monde, qui n’est pas trop porté à embrasser la cause de perdants qui ne cessent de s’excuser d’exister et coupent leur pays en morceaux pour gagner la faveur des terroristes qui tentent de les faire disparaître de la surface de la terre.

Pour résumer le problème en termes simples, plus Israël se met sur la défensive, plus il s’affaiblit, non seulement sur le plan militaire, mais aussi sur le plan politique. Les conflits de réaction sont extrêmement épuisants. Ils obligent à veiller constamment à l’éventualité d’attaques, puis à s’efforcer de les contrer. Dans ce genre de scénario, l’avantage est toujours à l’attaquant, qui dispose de plus de temps pour préparer son offensive et de plus d’espace pour se retirer en cas d’échec.

Frapper et disparaître dans le désert, puis frapper à nouveau, telle était la stratégie classique de pillage des brigands arabes, parmi lesquels un charmant coupeur de têtes nommé Mahomet. Au temps du Mandat britannique, le général anglais Orde Wingate, qui devait jouer un grand rôle dans l’élaboration de la doctrine des futures forces de défense israéliennes, répondait à ces attaques en allant combattre l’ennemi avec de petites unités mobiles et rapides, afin de garder l’initiative de l’offensive.

Le passage suivant, tiré du site officiel consacré à Wingate, explique cela très bien :

Bien qu’impressionné par le dévouement et l’esprit de sacrifice qui régnaient au sein de la Haganah, Wingate était exaspéré par le caractère défensif des forces juives. Il se rendait compte qu’elles ne pourraient pas stopper la violence avec leurs tactiques défensives et leurs fortifications. Par sa politique de modération, la Haganah abandonnait l’initiative et la mobilité aux combattants arabes.

Les Britanniques essayaient de compenser cela par une défense active avec des opérations mobiles de ratissage et de frappe, et le maintien d’importantes positions statiques pour conserver un contrôle gouvernemental efficace. Des colonnes mobiles et des patrouilles étaient envoyées pour traquer les rebelles partout où ils se terraient. Les mouvements et les actions des Britanniques sont cependant devenus répétitifs et réguliers. Avec un ennemi souvent impossible à distinguer de sa base de civils et des troupes souvent stationnées près des zones arabes peuplées de civils, « il était difficile de garder secrètes des opérations menées dans un milieu largement hostile, si bien que l’élément de surprise était perdu ; en même temps, obtenir une information fiable sur l’ennemi était difficilement possible. »

À propos d’une importante intervention des forces britanniques, un responsable juif fit ce commentaire :

Ils franchissaient les collines et les vallées et apparaissaient finalement avec quelques pistolets turcs rouillés et quelques cartouches vides [...] Les bandits arabes n’avaient qu’à dissimuler leurs armes et se mêler à la population des villages. Non seulement la formidable armée britannique ne trouvait absolument rien, mais elle se discréditait et se ridiculisait aux yeux de toute la population.

En 1938, le général Archibald Wavell, commandant intérimaire des forces britanniques en Palestine, fut obligé de reconnaître que de telles actions, de même que les bombardements aériens, avaient seulement « un effet temporaire ».

Wingate envisageait de petites unités mobiles de volontaires triés sur le volet, qui combattraient de façon agressive et non conventionnelle :

Il n’existe qu’un moyen d’affronter cette situation : c’est de convaincre ces bandes qu’avec leurs raids crapuleux, ils ont toutes les chances de se retrouver face à une coalition étatique déterminée à les détruire, non par des échanges de coups de feu, tirés à distance, mais par un assaut physique avec des baïonnettes et des bombes.

La nouvelle unité devait porter la guerre chez l’ennemi, lui ôter l’initiative et le déstabiliser. Il s’agissait donc de créer dans leur esprit la conviction que les forces gouvernementales agiraient la nuit et sauraient les surprendre dans les villages ou dans la campagne.

Ce serait une force constituée de Britanniques et de Juifs agissant sous son commandement et se déplaçant principalement la nuit dans les zones de combats, forte des alliés de la nuit : la tromperie, la surprise, le choc.


Depuis, Israël a oublié les leçons de Wingate qui avaient permis à Tsahal de devenir cette force redoutable qu’elle était. Israël en est revenu aux fortifications et aux sentinelles... et au modèle des troupes d’assaut britanniques qui accomplissaient dans le désert des démonstrations de force aussi spectaculaires que totalement inutiles. Et cela est vrai non seulement d’Israël, mais également des États-Unis depuis 2004.

Avec des tactiques défensives, on ne peut pas gagner. On ne peut que perdre son sang. Et Israël perd cruellement son sang. Ce pays qui avait réussi Entebbé, qui était allé sauver des otages sur un autre continent, n’est même plus capable de sauver un seul de ses soldats retenu en captivité à l’intérieur de ses propres frontières. Ce pays, autrefois salué comme un symbole de résurrection, a été diabolisé dans le monde entier. Et le pire, dans tout cela, c’est qu’Israël est resté passif et a laissé faire.

Israël est trop petit pour pouvoir continuer de perdre son sang indéfiniment. Ses soldats et sa population n’en peuvent plus de devoir toujours être sur le qui-vive et attendre continuellement d’être attaqués. Ses citoyens et ses défenseurs dans le monde entier se lassent de devoir répondre à des accusations toujours plus grotesques. Cela ne peut pas durer éternellement. Les dirigeants israéliens l’ont compris, mais ils n’en ont pas tiré les bonnes leçons et ont décidé d’aller encore plus loin dans la défensive en négociant avec l’ennemi. Ils se sont trompés. Lourdement.

Pour survivre face à des ennemis plus grands que lui, un petit pays doit être prompt à l’attaque, il doit être craint, il doit jouer sur l’effet de surprise et cultiver sa réputation d’avoir des capacités surhumaines. Israël a été comme cela autrefois. Maintenant, il n’en reste plus rien. Mais s’il veut survivre, il faut qu’il retrouve toutes ces caractéristiques.

Le problème d’Israël, ce n’est pas le terrorisme mais la défensive. Israël possède la capacité de détruire toute organisation terroriste à l’intérieur de ses frontières en l’espace d’un mois. Israël n’a pas vraiment un problème de relations publiques. Son problème provient d’un conflit continuel avec des organisations terroristes qui ont de nombreux sympathisants à l’étranger. Qu’il détruise les organisations terroristes, qu’il reprenne le contrôle des territoires contestés, et ce problème de relations publiques ne sera plus qu’une fraction de ce qu’il était. Plus important : le problème perdra sa signification.

La guerre médiatique contre Israël, la guerre juridique et les diverses autres formes de guerre asymétrique nécessitent un investissement en ressources. Pour qu’il soit intéressant d’investir dans ces ressources, il faut que ce soit visiblement payant. Plus Israël reste sur la défensive, plus ses ennemis obtiennent des gains territoriaux et politiques, et plus ces tactiques semblent payantes. Inversons ce scénario, et ces ressources seront réinvesties ailleurs, faute de produire des résultats tangibles.

Il a été démontré que les techniques utilisées par Israël contre le terrorisme ne changeaient pas grand-chose à la manière dont il était diabolisé. Que les tanks israéliens fracassent l’enceinte d’Arafat, ou qu’Israël construise une clôture frontalière défensive et non-violente, il est toujours diabolisé de la même manière. Il en est ainsi parce que la diabolisation n’est pas une réponse morale à une politique particulière, mais un état d’hostilité permanent dirigé contre Israël pour soutenir les terroristes musulmans et marxistes. Le seul moyen de mettre fin à cette diabolisation consiste à supprimer sa motivation, c’est-à-dire à supprimer les terroristes.

Les accords d’Oslo n’ont nullement atténué la diabolisation d’Israël dans le monde. Au contraire, après une brève lune de miel, ils l’ont aggravée de façon significative. En effet, on se rapprochait du but recherché. C’est que plus Israël faisait de compromis, et plus sa position au plan international se détériorait. En faisant des compromis, Israël montrait sa faiblesse à ses ennemis comme à ses alliés, si bien qu’il encourageait les premiers et qu’il amenait les derniers à réévaluer sa capacité de survie. Plus Israël a été sur la défensive, plus le terrorisme et la diabolisation d’Israël sont devenus terribles. C’est tout à fait naturel. Quand on bat en retraite, le feu de l’ennemi n’en devient que plus nourri.

Pour beaucoup de Juifs, d’Israéliens et de sympathisants qui voient en Israël une nation luttant contre la terreur marxiste et islamiste, le problème semble impossible à résoudre. Politiquement et militairement, la situation est un nœud gordien, fait de complexités enchevêtrées. Il faudrait un Alexandre ou un Wingate pour trancher ce nœud. Les problèmes que rencontre Israël, sur le plan médiatique et sur le plan militaire, trouvent leur origine dans une stratégie défensive suite à laquelle le pays s’est retrouvé pris dans ce nœud gordien. Pour survivre, Israël doit reprendre l’offensive, trancher le nœud et assurer son propre salut, ou périr étouffé par ce nœud dans lequel ses ennemis l’ont enserré.

Daniel Greenfield

© 2009 Sultan Knish
© 2009 Marcoroz pour la traduction


Notes d’upjf.org :
[1] Sur ce  « blood libel » à la suédoise, voir : Donald Boström, « On vole nos fils pour prendre leurs organes » (http://www.upjf.org/detail.do?noArticle=17014&noCat=109&id_key=109) (25 août 2009) ; M. Macina, « L’ ‘aftonbladette’ comme Boström, recette pour criminaliser, à l’ancienne, les Israéliens » (http://www.upjf.org/detail.do?noArticle=17018&noCat=109&id_key=109) (même date).
[2] Voir : « Donald Boström récidive : ‘Le vol d'organes par l'armée israélienne dépasse les 1000’ » (http://www.upjf.org/detail.do?noArticle=17131&noCat=109&id_key=109).
Source : http://www.upjf.org/actualitees-upjf/article-17361-145-7-israel-perd-guerres-militaires-mediatiques-daniel-greenfield.html#

2 commentaires:

  1. Voila comment la presse, dite libre, a bouzillé notre civilisation:
    C'est un témoignage de l'intérieur du système médiatique:

    http://www.dreuz.info/2015/02/les-travers-ideologiques-de-la-mediatisation-du-conflit-israelo-arabe/

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  2. Bonjour Marcoroz,
    Mon époux et moi-même avions l'habitude de venir régulièrement sur votre blog et toujours avec plaisir. Mon époux me quittait il y a un an, jour pour jour, à la suite d'une longue maladie. Je vous ai croisée sur le blognadel avec pour pseudo PJSC, mon prénom Patricia. Chez vous, je resterai fred, le prénom de mon mari. Je tiens à vous dire que la qualité de vos articles est remarquable.
    Celui-ci de Daniel Greenfeld, je le partage à 100% et vous remercie de l'avoir traduit.
    Cordialement,
    Patricia

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