lundi 25 août 2014

Nous, le peuple

Par Zack Lieberberg

Je suis un émigré soviétique. En 1982, je suis arrivé aux États-Unis avec ma femme, mon enfant âgé d’un an et un costume avec lequel je pouvais à la rigueur me présenter à des entretiens de recrutement.

J’allais oublier, j’avais aussi cinq cents dollars en poche. J’ai loué un deux-pièces en plein cœur d’une petite communauté russe dans le Bronx. Cela me coûtait 246 dollars par mois, charges comprises. On m’a dit que je devais me rendre au centre de sécurité sociale. Là, j’ai reçu des bons alimentaires pour une valeur de 134 dollars. Je suis rentré chez moi avec ces bons et j’ai demandé à ma femme : « Qu’avons-nous fait pour mériter cela ? »

Je suis allé dans un grand magasin du quartier et j’en ai dépensé une partie pour acheter le plus indispensable. Dans la file d’attente de la caisse, juste devant moi, il y avait une famille noire : la mère, le père et deux enfants. Avec deux caddies remplis d’articles que je n’étais même pas capable, pour la plupart, d’identifier.

J’ai pensé : « Voilà comment nous mangerons quand j’aurai trouvé un travail. » À ma grande surprise, ce couple a payé toute cette manne avec des bons alimentaires. Je n’ai éprouvé aucun ressentiment. Tout au contraire, j’étais heureux de me retrouver dans un pays où les chômeurs avaient une existence tellement meilleure que celle des informaticiens dans le pays dont j’étais originaire.

Au bout d’un mois, je suis retourné au centre de sécurité sociale pour recevoir mon allocation de bons alimentaires, et on m’a dit que je n’y avais plus droit. On m’a proposé l’aide sociale : j’ai refusé. Je suis rentré les mains vides, et j’ai demandé à ma femme : « Qu’avons-nous fait pour mériter cela ? »

Comme vous pouvez le voir, nous avons survécu. Nous avons même prospéré suffisamment pour perdre tout ce que nous possédions quand la bulle Internet a éclaté, ce qui nous a agréablement anesthésiés face aux difficultés économiques du moment, car désormais, comme les prolétaires de Marx, nous n’avions plus rien à perdre, sauf que nous n’avions pas non plus de chaînes.

Et cependant, là encore, nous avons survécu, parce que c’est un pays prospère, dans lequel survivre est tellement plus facile, même pour un pauvre nul comme moi. Pourtant, depuis vingt-six ans que je vis aux États-Unis, je n’ai jamais pu me défaire de cette impression qu’une prospérité chronique rend la population stupide. Je ne parle pas des individus : je parle de nous, le peuple.

La prospérité d’une nation – sauf, bien sûr, s’il s’agit de Dubaï – ne peut se bâtir que par le travail acharné de ses citoyens, lequel, en l’espace de plusieurs générations, engendre une culture de la réussite, ce qui permet à la génération suivante de reprendre le travail là où la génération précédente s’est arrêtée et de faire progresser le pays d’encore un pas.

Malheureusement, les gens ont tendance à oublier le caractère unique de la culture dans laquelle ils ont grandi, tout comme ils ne pensent jamais à l’oxygène contenu dans l’air qu’ils respirent – tant qu’il y en a suffisamment. Ils ne voient pas ce qu’eux-mêmes ou leurs compatriotes peuvent avoir de particulier.

Ce qu’ils n’oublient jamais, en revanche, c’est que tous les hommes naissent égaux, que ce soit à Scarsdale, dans l’État de New-York, ou à Anar Dareh, dans la province de Farah en Afghanistan. Et comme même les bénéficiaires de l’aide sociale de Scarsdale (à supposer qu’il en existe) vivent infiniment mieux que n’importe quel habitant d’Anar Dareh, une question se pose inévitablement : à qui la faute, si personne à Anar Dareh ne peut se payer un cinq-pièces avec deux emplacements de parking dans une zone résidentielle calme, dans un beau quartier peuplé de membres de la classe moyenne, à 35 mn de train de Manhattan ?

C’est difficile à dire. Il serait encore plus difficile d’expliquer pourquoi il n’existe pas de classe moyenne à Anar Dareh. Ni de trains. Si nous ne savions pas que tous les hommes naissent égaux, nous pourrions penser que les habitants de Scarsdale, au moins dans un certain sens, valent plus que les habitants d’Anar Dareh. Mais nous ne risquons pas de faire cette erreur.

Heureusement, il existe des endroits sur cette planète où de tels contrastes s’observent localement. Israël, par exemple, où une pittoresque « implantation » juive est souvent située au voisinage immédiat d’un de ces bidonvilles puants que les Arabes appellent des villes.

Et comme personne, du moins dans ce pays, ne peut imaginer que ces gens puissent réellement préférer vivre de la façon dont vivent les Arabes, tout comme personne, du moins dans ce pays, ne refuserait de vivre de la façon dont vivent les Juifs, on a vite fait de désigner le coupable : il faut que ce soit l’occupation illégale par Israël de son propre territoire.

Après cette révélation, est-il si difficile de réaliser que ce doit être notre faute si les habitants d’Anar Dareh, jusqu’à présent, n’ont pas adopté une constitution similaire à la nôtre, qui leur garantisse toutes les libertés que nous ne remarquons même plus, avec une séparation infranchissable entre la religion et l’État, et s’ils n’ont pas adopté en même temps l’attitude nationale qui ferait de l’avidité des individus un puissant facteur de prospérité pour leur ville tout entière ?

De façon générale, il faut que la souffrance des pauvres soit la faute des riches. Pourquoi ne pouvons-nous pas prendre à chacun à hauteur de ce qu’il peut contribuer et donner à chacun ce dont il a besoin ? Quelle nation stupide et bien nourrie nous sommes !

Mes naïves prédictions pour les [...] élections [américaines de 2008 - NdT] ont échoué lamentablement. Hillary [Clinton], dont je pensais qu’elle pourrait facilement ramener sa famille à la Maison Blanche, n’est même pas restée dans la course. Nous, le peuple, en avons décidé autrement. Nous, le peuple, avons promu Barack Hussein Obama. Nous, le peuple, méritons ce qui va maintenant advenir.

(...) [Considérations concernant les élections américaines de 2008 - NdT]

Obama n’est pas un fléau. Obama n’est qu’un symptôme. Le fléau, c’est nous, le peuple.

Je suis un émigré soviétique. Je n’ai pas eu la chance de devenir américain par le hasard de ma naissance. J’ai choisi de devenir américain parce que je croyais en ce pays. Pouvez-vous imaginer à quel point il est douloureux pour moi d’assister à son écroulement ?


© 2008 – Zack Lieberberg
© 2011 – Marcoroz pour la traduction

Suggestions aux crucifiés

Par Zack Lieberberg

Je voudrais attirer l’attention sur deux des innombrables réactions des internautes à la publication du texte « Un peuple disproportionné » [de Yashiko Sagamori - NdT].

L’une est signée de Yulia, une Russe :

Vous êtes le peuple le plus intelligent de la Terre. Vous ne devez pas vous conduire comme des barbares. Vous devriez employer une meilleure méthode, plus efficace et plus humaine, pour combattre ceux qui veulent vous détruire.

L’autre est de M. Walter Murray, de Palo Alto :

Les Juifs devraient regretter la mort de n’importe quel enfant tout autant que celle d’un enfant juif. Si vous n’êtes pas d’accord, c’est peut-être bien là une partie du problème.

La raison pour laquelle j’ai choisi ces deux commentaires, parmi tant d’autres, est que j’y ai trouvé une profondeur qu’on risque de négliger à première vue. Yulia, par exemple, malgré (ou à cause de) sa prétendue infériorité intellectuelle, exprime une conviction intéressante. Elle pense que les Juifs auraient l’obligation d’être plus humains que le reste de l’espèce humaine. Au contraire, dans sa tentative d’analyser les émotions des Juifs et de les remettre dans le droit chemin, M. Murray revendique une supériorité à la fois morale et intellectuelle qu’il choisit de ne pas exprimer de façon explicite, soit par modestie, soit, plus probablement, parce qu’il partage l’aversion courante chez les membres de Mensa vis-à-vis des évidences.

Commençons par le problème de l’humanisme. On aura sans doute remarqué que dans la crise nucléaire iranienne actuelle, la Russie et la Chine font tout ce qu’elles peuvent pour empêcher les Américains de lutter contre le danger que représentent les mollahs enragés. Cela n’est pas surprenant, dans la mesure où l’incapacité évidente des Américains à résoudre cette crise érode le peu qui reste de leur statut de superpuissance et sert donc les intérêts de leurs adversaires. Mais un Iran nucléarisé n’est-il pas aussi dangereux pour la Russie et la Chine que pour les États-Unis ?

Non, et voici pourquoi. Les ayatollahs savent parfaitement que dès que la Russie et la Chine se sentiront réellement menacées par l’Iran, ils survivront exactement le temps qu’il faudra à la première salve de missiles à tête nucléaire russes ou chinois pour atteindre le territoire iranien, c’est-à-dire entre 12 et 37 minutes selon le lieu d’où ces missiles partiront. Ensuite, le pays que nous appelons aujourd’hui l’Iran sera désormais connu sous le nom de Grand désert perse et peuplé exclusivement de cafards mutants.

Au contraire, les États-Unis feront tout ce qui sera en leur pouvoir pour éviter d’en arriver à de telles extrémités, en se conformant à la lettre et à l’esprit du droit international. Le plus probable est qu’une fois de plus, ils soulèveront le problème d’une menace iranienne imminente devant le Conseil de sécurité de l’ONU, qui n’est pas spécialement réputé pour son efficacité quand il s’agit de trouver ou d’appliquer des solutions aux crises internationales. Sachant que les Nations unies sont surtout unies dans leur haine d’Israël et des États-Unis, il n’y a aucune raison d’être optimiste quant à l’effet probable de ce genre de mesure : autant dire que tôt ou tard, un système nucléaire iranien sera testé avec succès sur notre sol.

Malheureusement, le gouvernement américain n’aura jamais le courage de frapper l’Iran avant que celui-ci ait une chance de tuer plusieurs centaines de milliers d’Américains. À en juger d’après l’expérience du 11 septembre, les États-Unis ne réagiront pas non plus de manière appropriée après l’attaque. Le mieux que nous puissions espérer de la part de l’administration la plus va-t-en-guerre qu’il soit possible d’imaginer est qu’elle tente de libérer le fier peuple iranien de la tyrannie des ayatollahs – à condition que l’ONU donne son aval à une mesure si radicale. Dans le meilleur des cas, nous finirons par réussir à plonger l’Iran dans une guerre civile, comme nous l’avons fait avec l’Irak. Autrement, nous subirons encore un gros scandale, ce qui n’est pas vraiment une bien grosse affaire car même une superpuissance ne peut perdre la face qu’une seule fois et nous sommes sur le point de commémorer le cinquième anniversaire de cet événement. Dans un cas comme dans l’autre, nous apporterons aux musulmans la preuve, une fois de plus, qu’ils peuvent attaquer les États-Unis impunément.

Ainsi donc, des régimes ô combien inhumains comme la Russie et la Chine réussissent brillamment à s’assurer une sécurité pratiquement inviolable sans que cela ne coûte une seule vie humaine d’un côté ou de l’autre de leurs frontières. Cela prouve à coup sûr que la détermination à réduire son ennemi à l’état de cendres radioactives à la plus légère provocation garantit la paix bien mieux que les efforts aboutis de soixante-dix-sept générations de pacifistes.

Tel est le prix de notre humanisme dévoyé. Si le mouvement La paix maintenant avait vraiment voulu parvenir à une paix durable dans un avenir prévisible, il y aurait réussi davantage en infiltrant et en militarisant le mouvement Kach.

Occupons-nous à présent des préoccupations de M. Walter Murray, de Palo Alto. Ce monsieur mérite certainement une réponse soigneusement réfléchie. Cependant, je suis réticent à me plonger dans les sombres profondeurs d’une réaction émotionnelle juive à l’assassinat d’enfants, qu’ils soient juifs ou non. J’aimerais plutôt souligner ceci :

Tout d’abord, M. Murray n’a pas su nous dire pourquoi il attend des Juifs qu’ils réagissent à la mort d’enfants différemment des Ukrainiens par exemple, des Arabes ou, en l’occurrence, des Américains d’origine irlandaise. Pour moi, cette façon de supposer une différence inhérente entre les Juifs et les gens normaux, tout comme le fait Yulia quand elle postule la supériorité de l’intellect juif, pue l’antisémitisme. Bien évidemment, M. Murray n’a rien contre les youpins, tant qu’ils se comportent selon ses attentes. Le grand-père de M. Murray n’avait sans doute rien contre les nègres, tant qu’ils restaient à leur place.

Ne protestez pas, M. Murray : n’allez pas nous dire que vous avez des amis juifs. Si vous n’acceptez pas mon diagnostic, demandez à quelques-uns de vos amis noirs (je suis sûr que vous en avez) s’ils n’ont jamais rencontré un raciste blanc qui ne soupçonnait même pas qu’il puisse être raciste.

En second lieu, M. Murray, je vous conseille vraiment de ne pas déplorer les enfants morts sans faire de discrimination. Vous allez sans doute trouver ce que je vais dire monstrueusement cynique, mais je vais le dire tout de même.

Voyez-vous, la probabilité qu’un enfant arabe devienne un Albert Einstein ou un Sigmund Freud ou même un Alan Greenspan est égale, à la douzième décimale après la virgule près, à la probabilité qu’un enfant juif devienne un combattant du djihad. Bien sûr, tout enfant juif ne devient pas un Einstein, et tout enfant arabe ne choisit pas la brève mais spectaculaire carrière du shahid. Cependant, les enfants juifs, quand vous ne les tuez pas avant qu’il ne soit trop tard, forment des communautés juives, et les communautés juives, non seulement produisent de temps à autre des Einstein, mais sont connues pour avoir toujours apporté la prospérité à toute société leur ayant laissé la possibilité de prospérer : « Je bénirai ceux qui vous béniront. » Contrairement aux Juifs, les Arabes ne forment pas des communautés : ils forment la « rue arabe ». La « rue arabe » n’a jamais produit aucun Einstein et je suis sûr qu’elle n’en produira jamais. Ce qu’elle produit, ce sont des assassins en abondance.

De la manière dont je le vois, le problème ne vient pas de la discrimination que pratiqueraient les Juifs entre les enfants morts. Le problème vient de la façon dont vous-même pratiquez une discrimination entre eux. Plus précisément, si vous aviez pleuré les enfants juifs tués comme vous pleureriez vos propres enfants (Dieu préserve !), il n’y aurait eu aucun problème. Mais ce n’est pas le cas, et c’est ce qui engendre un énorme problème dont vous n’êtes pas conscient car dans votre esprit, ce problème n’existe que pour les Juifs. Ce problème, je vais vous l’expliquer.

Il y a soixante-dix ans, le monde a regardé passivement Hitler préparer la Shoah. Alors que celle-ci était bien avancée, que des milliers de Juifs européens, y compris des enfants, mouraient à toute heure dans les chambres à gaz des camps nazis, les gens comme vous feignaient l’ignorance et prétendaient n’être nullement concernés. En bons chrétiens, vous étiez trop occupés à adorer vos ennemis pendant que vos ennemis nous exterminaient à la cadence maximale que le permettait leur capacité industrielle.

Aujourd’hui, vous faites exactement la même chose. Votre ennemi déclare ouvertement son intention d’exterminer les Juifs. Votre ennemi mène au vu de tous une guerre d’annihilation contre Israël depuis le jour où Israël s’est réinstallé sur une petite partie de sa patrie historique. Votre ennemi tue des Juifs chaque année : par dizaines en période d’accalmie, par centaines en période d’ « Intifada ». Ces Juifs sont pour la plupart des civils. Un certain nombre d’entre eux sont des personnes âgées. Un certain nombre sont des enfants. Tous sont pris pour cibles de façon délibérée. Que faites-vous face à cela ? Invoquez-vous les Conventions de Genève ? Exprimez-vous votre indignation morale ? Non. Vous tancez Israël pour sa réaction disproportionnée, pour avoir tué des civils innocents sans nécessité, pour la poursuite de l’occupation, et par suite, vous désignez Israël comme le principal ennemi du genre humain. Et bien sûr, chaque Juif du monde devient automatiquement complice des crimes d’Israël contre l’humanité.

Quels civils innocents ? Après le 11 septembre, même quelqu’un comme vous devrait comprendre que personne n’est plus innocent : ni vous, ni moi, ni, à coup sûr, ceux qui essaient de nous détruire. Regardez-vous dans une glace : vous n’êtes pas innocent, vous êtes sans défense. Dans cette guerre de civilisations, vous êtes une cible parfaitement légitime, quoi qu’en disent les Conventions de Genève, car vos ennemis ne se sentent pas concernés par les lois des infidèles.

Quels crimes ? Depuis quand est-ce un crime de se défendre contre une agression ? En vertu de quel droit international la victime d’une agression devrait-elle mettre fin à la guerre au moment où l’ennemi dépasse le seuil au-dessous duquel vous vous sentez encore dans une situation confortable ?

Vous dites ? Occupation ? Quelle occupation ? Quel « peuple palestinien » ? Apprenez plutôt l’Histoire, l’Histoire réelle. Le « peuple palestinien » n’est qu’un complot antisémite à côté duquel les sinistres Protocoles des Sages de Sion paraissent presque inoffensifs. Je défie quiconque de citer une seule référence au « peuple palestinien » datant d’avant 1967. Je défie quiconque de citer ne serait-ce qu’un seul document donnant à l’organisation terroriste que l’on appelle le « peuple palestinien » une légitimité sur un seul centimètre carré du territoire d’Israël ou de n’importe quel autre territoire dans le monde.

Si vous pensez – comme moi – que des innocents doivent avoir le droit de vivre là où ils ont toujours vécu sans avoir besoin de l’approbation de l’ONU, il faut que vous me disiez pourquoi vous n’avez jamais protesté contre l’éviction de près d’un million de Juifs de chez eux, dans des pays dans lesquels ils vivaient déjà depuis plusieurs siècles quand ces contrées ont connu l’occupation arabe. Il faudra que vous me disiez aussi ce qu’il advient du droit d’une personne innocente à vivre où elle le désire une fois que cette personne innocente fait exploser un car scolaire rempli d’enfants de ses voisins.

Où était-elle, votre préoccupation pour les enfants morts, quand les Arabes, année après année, décennie après décennie, ne cessaient d’assassiner délibérément des enfants juifs ? Où était votre préoccupation pour les enfants juifs quand le Hezbollah a attaqué Israël ?

Il y a soixante-dix ans, vous nous assassiniez par Allemands interposés. Aujourd’hui, vous nous assassinez par Arabes interposés. Aujourd’hui, comme au début de la Seconde Guerre mondiale, dans la sécurité de votre petit confort, vous vous sentez supérieur aussi bien aux agresseurs qu’à leurs victimes. Vous avez tort. Après tout, vous savez sans doute que les six millions de Juifs tués par les nazis représentaient moins de 10 % de l’ensemble des victimes de cette guerre. Mais les Allemands étaient de l’autre côté de l’océan, tandis qu’aujourd’hui, vos ennemis – d’innombrables millions d’entre eux – ont déjà atterri sur vos rivages. Quelle est la distance entre votre domicile confortable et la mosquée la plus proche ?

Et malgré cela, vous continuez de confondre la non-résistance à l’agression avec la paix. C’est à cause des gens de votre espèce, M. Murray, que la Seconde Guerre mondiale et la guerre mondiale qui a officiellement atteint les États-Unis le 11 septembre 2001 ont été possibles. Vous êtes un monstre lâche, stupide et immoral.

Comment osez-vous dire aux Juifs ce qu’ils devraient ressentir quand on assassine leurs enfants ?


© 2006 – Zack Lieberberg
© 2008 – Marcoroz pour la traduction

Sex and the city of Baku

par Yashiko Sagamori

Voilà un sujet vraiment très chaud. Un lecteur a adressé un courrier à Zack pour lui demander ce qui l’avait amené à la conclusion que la vie sexuelle des paysans azéris était particulièrement pitoyable. Après quelques échanges approfondis avec moi sur ce sujet passionnant, Zack s’en est lassé et m’a délégué le soin de répondre.

D’après mes très modestes connaissances concernant la sexualité de la gent masculine, je ne peux pas croire qu’un homme heureux puisse être captivé par le spectacle de deux chiens errants en train de s’accoupler. Pour la plupart d’entre nous, nous considérons le voyeurisme comme une chose malsaine, même lorsque les créatures qui en font l’objet sont des êtres humains. Quelle sorte d’existence devait donc être celle de ces individus pour qu’ils se mettent à mater des chiens sans avoir l’impression que quelque chose d’important leur échappait ? Comme par exemple avoir honte d’eux-mêmes ?

Zack m’a raconté un autre fait encore dont il avait été le témoin à Bakou. Il y avait un vieil homme qui demeurait assis continuellement au même endroit, au coin d’une place, avec une pile de feuilles de papier pelure, un crayon et une photo jaunie représentant une femme en sous-vêtements. Pour cinq roubles (ce qui, à l’époque, représentait une somme petite mais non négligeable), il recouvrait la photo d’une feuille de papier pelure, traçait les contours de la femme en omettant les sous-vêtements et remettait le dessin à son client. Moyennant un supplément, il ajoutait quelques petits mais importants détails qui ne figuraient pas sur l’original. Il y avait toujours devant lui une queue, formée d’hommes attendant patiemment leur tour d’être servis.

Même si vous saviez que la pornographie était strictement interdite en Union Soviétique, vous serez probablement d’accord avec la conclusion de Zack que seule une sorte de société très spéciale peut engendrer une clientèle pour ce genre d’activité artistique.

J’aimerais ajouter à ce débat ma propre théorie. Quand un homme traite les femmes de sa famille comme du bétail, alors, chaque nuit, c’est avec un animal domestique qu’il va au lit. Je ne crois pas que cela puisse lui apporter autant de satisfaction que d’aller au lit avec une femme qu’il aime, à supposer qu’une telle faiblesse puisse être considérée comme pardonnable dans la société qui a fait de lui ce qu’il est.


Yashiko Sagamori est consultante en informatique à New York.

© 2006 - Yashiko Sagamori - http://middleeastfacts.com/yashiko/
© 2009 - Marcoroz pour la traduction

Xénophobie et antisémitisme

par Zack Lieberberg – (traduit de l’anglais par Marcoroz)

Mon camarade de classe ouzbek Akmal Ousmanov m’avait donné un jour une précieuse leçon d’ethnographie. J’avais passé l’été précédent au Kazakhstan, qui était alors une république soviétique frontalière de son Ouzbékistan natal. Alors que j’avais commencé à lui parler d’une spécialité locale à laquelle j’avais eu l’occasion de goûter, Akmal m’avait gentiment interrompu. Visiblement mal à l’aise, presque malheureux, comme un parent qui, dans des circonstances imprévues, se serait vu obligé de révéler à son enfant, deux ans plus tôt que souhaitable, la terrible vérité sur les choux et les roses, il m’avait alors informé solennellement que les Kazakhs n’étaient pas vraiment humains.

Il ne faut pas confondre les Kazakhs avec les Cosaques, qui sont les descendants de serfs russes et ukrainiens enfuis. Les premiers se distinguent difficilement des Ouzbeks. Pour un Européen (au sens archaïque du terme), il n’est pas impossible d’apercevoir la différence mais c’est un peu difficile : c’est comme distinguer un Coréen d’un Japonais. Il faut savoir quels détails on doit rechercher. Je n’en savais rien, ce qui explique sans doute que j’aie accueilli cette bribe d’information avec scepticisme :

– Pourquoi donc ?

Akmal n’était pas rompu à expliquer des évidences. Il avait dû réfléchir quelques secondes avant de me répondre :

– Ils préparent leur thé avec de la graisse d’agneau.
– Alors, je ne suis pas humain non plus.
– Pourquoi ?
– Je mange du porc.
– Tu ne comprends pas.
– Non, en effet.
– Ce sont tous des menteurs.
– Et tout ce que peut dire un Ouzbek est toujours vrai ?
– Bien sûr que non. Mais ce n’est pas pareil.
– Comment ça ?
– Ils n’ont pas d’honneur.
– Et les Ouzbeks sont tous des gens honorables, sans exception ?
– Ce n’est pas la question.
– Alors, dis-moi.
– Ils sont dégoûtants.
– Comment ça ?
– Ils préparent leur thé avec de la graisse d’agneau. Ils ne sont pas vraiment humains.
– Est-ce que tu te rends compte que si tu mettais un Ouzbek et un Kazakh l’un à côté de l’autre, la plupart des gens seraient incapables de dire qui est qui ?
– Tu ne comprends pas. Ils sont pires que des animaux.
– Et les Estoniens ?
– Quoi, les Estoniens ?
– Sont-ils humains ?
– Comment je peux savoir ? Je n’en ai jamais vus. Je suppose que oui.

Logique. Le vaste Kazakhstan borde tout le Nord de l’Ouzbékistan, mais la toute petite Estonie se trouve à des milliers de kilomètres au nord-ouest. Sachant que les Ouzbeks ont assigné à leurs voisins les Kazakhs une position inférieure sur l’arbre de l’évolution, alors les Estoniens, compte tenu de leur culture complètement différente, devraient se situer sur une tout autre branche, plus proche des invertébrés ou, du moins, des amphibiens. Mais apparemment, ce n’est pas ainsi que la xénophobie fonctionne. Les Russes raillent les Ukrainiens, lesquels les méprisent en retour ; pourtant, expliquer à un Anglais que les Russes sont différents des Ukrainiens serait une tâche aussi désespérée qu’expliquer la différence entre un Anglais et un Irlandais à un Tadjik (à ne pas confondre avec un Turkmène). Tous, nous considérons ce qui est distant et étranger avec une curiosité modérée teintée d’indifférence. Nous ne pouvons haïr vraiment que ce que nous rencontrons quotidiennement et ce à quoi nous sommes habitués.

On pourrait penser que c’est ce qui peut expliquer l’omniprésence de l’antisémitisme. Il y a des Juifs partout. Les Juifs qui changent de pays se reconnaissent facilement à leur façon de prononcer les R, à leur accent amusant et à leurs expressions maladroites, mais leurs enfants se mêlent magnifiquement bien à la population et parlent et écrivent la langue vernaculaire souvent mieux que les natifs du pays (de même excellent-ils dans un certain nombre d’autres choses importantes). Aux yeux d’un étranger, la différence entre un Juif russe et un « Russe russe » est probablement moindre encore qu’entre un Ouzbek et un Kazakh. N’est-ce pas une raison suffisante pour que les Russes haïssent les Juifs ?

Ce n’est pas aussi simple. J’aimerais vous parler d’un autre camarade d’école, Anatoly (Tolik) Potapov. Il est né dans un village appelé Maslovka, non loin de la ville de Voronezh. Ne vous laissez pas abuser par le mot village. Dans ce bienheureux pays qui est le nôtre, un village est un quartier de banlieue où le laborieux père de famille rentre à la fin d’une dure journée de travail en ville, pour passer la nuit dans une maison confortable qu’il pourrait facilement revendre le lendemain pour un prix à sept chiffres. Sa femme prend une de leurs trois voitures pour aller le chercher à la gare. Son chien bien dressé l’accueille en remuant la queue joyeusement, invisible derrière l’épaisse clôture qui entoure une pelouse impeccablement entretenue. Ses enfants ne le dérangeront pas dans son repos bien mérité : ils sont en train de passer du bon temps avec des amis dans un des nombreux restaurants relativement bon marché situés à proximité immédiate. Pendant que sa femme lui prépare un dîner sain et équilibré, il court 30 mn sur son tapis roulant tout en regardant CNN. Il évacue ainsi le stress accumulé au bureau au cours de la journée.

En réalité, le village de Maslovka ne ressemblait pas du tout à cela. C’était sans doute bien pire que l’idée que vous vous faites du Goulag. Le père et la mère de Tolik étaient tous deux analphabètes, au sens le plus littéral, tout comme la plupart des autres villageois de leur génération. Tolik était le plus jeune des 14 enfants auxquels sa mère avait donné naissance. Trois seulement avaient dépassé l’âge de 3 ans : Tolik lui-même, son frère aîné et une sœur beaucoup plus âgée. Aucun des trois n’était resté analphabète. Sa sœur savait plus ou moins lire et pouvait même signer de son nom. Son frère avait décroché un doctorat en électronique. Tolik, après une maîtrise de l’université de Moscou, avait obtenu un doctorat de mathématiques. À l’époque où il réfutait mes théories sur l’antisémitisme, nous venions de commencer nos études et nous étions des amis très proches. Voici ce qui se produisit : un camarade de cours, Youri D., fit un jour quelque chose de répugnant. Je dis à Tolik que j’étais étonné de voir que Youri pouvait se montrer aussi malpropre. Tolik me répondit alors de la façon la plus détachée :

« Qu’est-ce que tu peux espérer d’autre d’un Juif ? »

Il m’avait pris au dépourvu. Je ne m’étais pas du tout attendu à ce que quelqu’un avec qui je partageais ma chambre, la plus grande partie de mes cours, la plupart de mes repas et de nombreux verres de vodka puisse détester les Juifs de cette manière. Ne sachant pas trop comment réagir, j’avais alors hasardé :

– Je pense qu’il est polonais.

(En réalité, comme je l’appris par la suite, il était ukrainien.)

– Juif, Polonais, c’est pareil. La même racaille, tout ça.


Pendant qu’il me gratifiait de cette incroyable révélation, je trouvai le temps de me demander s’il avait déjà rencontré un Juif véritable avant d’entrer à l’université. Plutôt que de réagir avec colère, je lui demandai l’air de rien, comme l’aurait fait tout Juif qui se respecte, ce qu’il pensait de M. Feldman, notre professeur de mathématiques, lequel était très apprécié des étudiants.

– Il est super ! Pourquoi ?
– Il est juif.
– Vraiment ? Eh bien, comme on dit, même parmi les Juifs, on peut trouver quelqu’un de bien.

Heureusement pour moi, à cette époque, les Juifs étaient largement sur-représentés parmi la population étudiante (deux ans plus tard, cette anomalie allait être corrigée de façon impitoyable). Le pauvre Tolik faisait partie des trois malheureux Russes de souche de notre groupe. J’entrepris donc de passer en revue la liste de nos camarades. À mesure que Tolik découvrait qu’ils étaient juifs, sa vision de l’univers se transforma sous mes yeux. Au moment où je lui appris que la fille dont il était éperdument amoureux était juive également, il finit par se montrer méfiant et me demanda comment je pouvais le savoir. Je lui expliquai alors que les patronymes russes se terminaient généralement par -ov, -yev ou -ine, tandis que les noms de famille des Juifs avaient souvent une consonance étrangère et se terminaient plutôt par -er, par –man ou par une autre forme tout aussi rare chez un Russe pur porc, comme par exemple -berg. Il me contempla, horrifié.

– Oui, fis-je avec une satisfaction sadique. Moi aussi.

Il quitta la pièce sans dire un mot. J’évitai de lui rappeler cette conversation, jusqu’à ce qu’il m’en reparle lui-même deux mois plus tard :

– Tu te rappelles notre conversation à propos de Youri D. ?
– Vaguement.
– J’ai honte.
– N’y pense plus.

Cependant, c’est alors que ma curiosité fut la plus forte. Je lui demandai pourquoi il avait été si sûr de lui en disant du mal des Juifs, alors qu’il n’en avait jamais vus et qu’il ne savait pas distinguer un Juif d’un Russe. Il m’expliqua qu’à sa connaissance, même si aucun Juif n’avait jamais vécu à Maslovka et n’y avait jamais mis les pieds, il était de notoriété publique dans le village que les Juifs étaient des gens peu recommandables : malhonnêtes, haineux, toujours en train de comploter et de chercher à trahir la mère-patrie ou à déposséder un Russe honnête. D’ailleurs, même ceux qui n’avaient jamais mis les pieds dans une église (celle de Maslovka avait fermé plusieurs dizaines d’années auparavant) savaient que les Juifs étaient les assassins du Christ. Apparemment, il était facile de haïr les Juifs même sans avoir jamais eu le moindre contact avec un seul d’entre eux.

En réalité, ce phénomène est bien connu. La pièce de Shakespeare Le Marchand de Venise date de 1597, soit 307 ans après l’expulsion des Juifs d’Angleterre. La plupart des spectateurs anglais de l’époque, à l’instar de plusieurs générations de leurs prédécesseurs, n’ont donc jamais eu la moindre chance de rencontrer un seul Juif. Cela ne les empêchait pas de pouvoir reconnaître sans aucun effort les traits typiquement juifs du personnage éponyme. Faire de Shylock un Gentil aurait vidé la pièce de sa substance, bien plus que de faire d’Othello un Norvégien par exemple. Je suis sûr qu’il est déjà arrivé qu’un Norvégien tue par jalousie, même si un tel crime était sans doute plus courant chez les Maures. Il est bien plus difficile d’imaginer une situation dans laquelle un Norvégien se verrait obligé d’essayer de convaincre les gens qui l’entourent qu’il est tout aussi humain qu’eux.

De l’éternité apparente de la Diaspora, Israël comme les Goyim auront su tirer une leçon. Les Goyim ne nous voient pas, ni en tant qu’individus ni en tant que nation, comme égaux ni comme méritant ces mêmes droits qui sont accordés à tous les autres. Il suffit de voir, par exemple, comment le monde entier, sans la moindre exception, y compris une majorité des Juifs en Israël comme ailleurs, a accepté le grossier mensonge du « peuple palestinien » (le jour où Yashiko Sagamori a publié un article dans lequel elle remettait en question l’histoire imaginaire de la Palestine, la plupart de ceux qui l’ont lu ont cru qu’il s’agissait d’un habile boniment, plutôt que d’une pure vérité). Par ailleurs, les Juifs eux-mêmes n’ont pas la mentalité qui leur permettrait d’affirmer leur droit d’exister sous la forme de leur choix. C’est pourquoi ils ne peuvent ni avoir leur propre pays, ni jouir de tous les droits au milieu des Gentils.

La restauration d’Israël a changé la face de l’antisémitisme, mais n’a pas permis de le faire régresser. C’était prévisible. Même sans avoir connu un seul jour de paix dans toute son histoire moderne, Israël, par ses réalisations économiques, scientifiques et techniques, a de quoi stupéfier tout observateur impartial. La guerre incessante des Arabes contre Israël est de loin le principal facteur empêchant une aliya en masse à partir de tous les pays. Sans cette guerre, Israël deviendrait une superpuissance tout à fait pacifique en l’espace d’une ou deux générations. Au bout de quelques décennies, la majorité absolue des Juifs du monde entier vivrait en Israël. Comment pourrions-nous penser que quelqu’un sur Terre aimerait voir cela arriver ? Même si je ne crois pas que la prospérité des États-Unis ni celle d’aucun pays du monde en dehors d’Israël soit due principalement aux Juifs, notre contribution a toujours été bien plus importante que notre proportion dans la population. (Autrement, comment pourrions-nous être accusés de contrôler le monde ? Il suffit de nous comparer à un autre peuple sans patrie, les Tziganes.) C’est vrai même de pays antisémites comme la Russie. C’est encore plus vrai des rares pays qui traitent encore bien leurs Juifs. Pourquoi les nations du monde voudraient-elles perdre ceux qu’elles peuvent exploiter de façon si productive quand elles en ont besoin et congédier si facilement quand elles n’en ont plus besoin ? Chaque pays agit ainsi, à sa propre manière. L’Union Soviétique empêchait ses Juifs de partir par des moyens qui nous semblaient illégaux. Les États-Unis, pour empêcher tous les Juifs de Diaspora de rentrer chez eux, empêchent Israël de se défendre.

La survie d’Israël est absolument nécessaire à la survie physique du peuple juif. L’abandon de Gaza aura été une des étapes de la nouvelle solution finale. Et cependant, je suis sûr qu’Israël peut encore trouver un moyen d’assurer sa survie. Je pense toutefois que ce sera impossible tant que les Juifs n’auront pas réalisé que l’antisémitisme est une réalité de l’existence et tant qu’ils ne l’auront pas intégré. Je crois que ses manifestations sont nombreuses et que l’« anti-sionisme » n’en est qu’une parmi d’autres ; et que nous devons accepter ce fait et apprendre à vivre avec, au lieu d’espérer qu’un jour, l’antisémitisme finira par disparaître. À en juger par notre histoire, il y a de bonnes chances pour que ce soit l’antisémitisme qui survive aux Juifs, et non l’inverse. L’antisémitisme polonais, par exemple, a survécu sans difficulté à la communauté juive.

Vivre avec l’antisémitisme suppose, parmi les choses les plus vitales, d’adopter avec détermination le principe « Israël aux Juifs ». Le monde entier, tout en n’ayant jamais trouvé d’objection à faire au principe « l’Arabie aux Arabes », réagira en nous traitant de racistes dans toutes les langues, y compris même en hébreu. Si nous voulons survivre, il nous faudra apprendre à vivre avec cette forme de calomnie également.


Version en anglais publiée par Yashiko Sagamori en 2005 sous le titre Xenophobic dialogues - http://middleeastfacts.com/yashiko/

Zack Lieberberg est mathématicien et informaticien et habite New York.

© 2005 - Zack Lieberberg & Yashiko Sagamori
© 2009 - Marcoroz pour la traduction

Le Psaume 137

Par Zack Lieberberg

Sur les bords des fleuves de Babylone, nous étions assis et nous pleurions, en nous souvenant de Sion. Aux saules de la contrée nous avions suspendu nos harpes. Là, nos vainqueurs nous demandaient des chants, et nos oppresseurs de la joie : « Chantez-nous quelques-uns des cantiques de Sion ! »

Comment chanterions-nous les cantiques de l’Éternel sur une terre étrangère ? Si je t’oublie, Jérusalem, que ma droite m’oublie ! Que ma langue s’attache à mon palais, si je ne me souviens de toi, si je ne fais de Jérusalem le principal sujet de ma joie !

Éternel, souviens-toi des enfants d’Édom, qui, dans la journée de Jérusalem, disaient :
« Rasez, rasez jusqu’à ses fondements ! » Fille de Babylone, la dévastée, heureux qui te rend la pareille, le mal que tu nous as fait ! Heureux qui saisit tes enfants, et les écrase sur le roc !

Il y a longtemps, jeune homme sorti depuis peu de l’université de Moscou, j’étais allé vivre quelques années à Bakou, la capitale de l’Azerbaïdjan qui était à l’époque une des quinze républiques soviétiques. Je n’y ai pas vécu les années les plus agréables de mon existence, mais cela m’a permis d’avoir une expérience directe de la vie parmi les musulmans et d’acquérir des bases pour les comprendre et pour déchiffrer leurs frustrations et leurs rêves. Le plus souvent, ce sont des circonstances apparemment banales et isolées qui m’ont apporté ces éléments de compréhension.

Il y a eu par exemple ce matin d’été avant l’aube où, pour je ne sais plus quelle raison, je devais me rendre quelque part avec un ami. Je l’attendais près du guichet de la compagnie Aeroflot où il devait passer me prendre. Il était en retard. J’avais sommeil et j’étais fatigué. Les rues étaient vides, à l’exception d’un petit groupe d’hommes qui formaient un cercle resserré au bout du pâté de maisons. À en juger par leurs habits et par les sacs lourds qu’ils portaient, c’étaient des paysans azéris qui se rendaient au marché. Ils observaient quelque chose à leurs pieds, à l’intérieur du cercle. On aurait dit des badauds contemplant la victime d’un accident mortel avant que les autorités ne viennent chercher le corps.

Or, il n’y avait eu aucun accident. J’ai décidé de m’approcher pour jeter un coup d’œil. Le groupe n’a pas fait attention à moi. Ils étaient tous complètement absorbés par le spectacle qui se déroulait sur le trottoir, juste sous leurs yeux. Ils observaient dans un silence recueilli. Leurs visages rudes de paysans, solennels, semblaient briller d’une lumière intérieure comme celle que l’on peut quelquefois percevoir sur le visage d’un homme plongé dans la lecture d’un de ses livres préférés. Il sait ce qui va arriver, mais cette connaissance ne diminue pas son plaisir. N’ayant jamais assisté à une exécution, j’imagine qu’on doit y retrouver un peu le même genre d’expression sur les visages : le mélange subtil d’une tristesse de circonstance, d’une répulsion physique face à certains détails inévitables, et par-dessus tout, d’un sentiment profond de justice.

À l’intérieur du cercle, tout en regardant avec nervosité les spectateurs immobiles et silencieux, deux chiens errants étaient en train de s’accoupler à la va-vite.

Lorsque les deux chiens se sont finalement dégagés l’un de l’autre et se sont séparés, les paysans sont restés encore un moment sans bouger, contemplant la scène de l’événement, désormais vide, toujours cois, la lumière s’estompant progressivement de leurs visages non rasés. Finalement, l’un d’entre eux s’est écarté, et le groupe entier est revenu à la vie. Sans un mot, ils ont échangé leurs regards, et le degré de compréhension mutuelle que j’y ai perçu ne pouvait être que le résultat d’une intimité partagée. Enfin, eux aussi ont commencé à s’écarter les uns des autres, et pendant une fraction de seconde, le groupe en cours de désintégration m’a paru aussi théâtral que les Bourgeois de Calais de Rodin.

Je me suis souvenu de cette anecdote tout à fait sans importance le jour où j’ai contemplé la photo d’un groupe de musulmans en train de brûler un drapeau danois. Ils semblaient tout aussi immobiles et aussi solennellement satisfaits que ces paysans azéris. La ressemblance n’était pas fortuite. Dans les deux cas, des musulmans, cruellement privés de la chose réelle, se sont consolés avec le premier substitut qu’ils ont trouvé.

Les paysans azéris, conformément aux lois et aux traditions islamiques, étaient privés d’une vie sexuelle normale à un point tel que je ne pense pas qu’ils aient su qu’une telle chose existait. Tout ce que nous considérons comme normal en matière de sexualité constitue pour les musulmans la forme la plus extrême de dépravation ; de notre côté, en toute sérénité, nous désapprouvons leurs pratiques zoophiles et pédophiles.

Les brûleurs de drapeaux, pour leur part, se trouvaient privés par de cruelles circonstances de la possibilité immédiate de se purifier les mains dans le sang de l’infidèle, ce qui constitue, selon ces mêmes lois et coutumes islamiques, à la fois leur droit et leur devoir les plus sacrés. Dans les deux cas, le substitut était précieux et en même temps insuffisant.

La principale différence entre ces deux groupes est que les paysans azéris ne pourront jamais réaliser entièrement leurs rêves, quels qu’ils soient. Au contraire, les brûleurs de drapeaux ont de bonnes chances de réaliser les leurs.

Les médias rendent compte du dernier accès de rage des musulmans avec plus d’empathie encore que celle dont ils ont fait preuve quand ils ont relaté les récentes émeutes musulmanes en France. D’après le New York Times, ces émeutes avaient pour origine l’incapacité de la France à intégrer ses immigrés.

Étant moi-même un immigré, je suis bien placé pour aborder ce sujet. Je suis entré dans le pays de mon choix, les États-Unis d’Amérique, sans y avoir été invité. Je serai éternellement reconnaissant à l’Amérique de m’avoir laissé venir, de m’avoir permis de rester et de m’avoir traité en égal selon ses lois. Je me suis intégré moi-même jusqu’à m’y sentir bien, ni plus ni moins. Je n’ai jamais attendu de l’Amérique qu’elle m’intègre. Qui plus est, je n’irais jamais vivre dans un pays qui ferait un effort pour m’intégrer. L’Union Soviétique n’a jamais cessé d’essayer de m’intégrer durant les trente-quatre premières années de ma vie, et elle n’a pas réussi.

Certains de mes amis sont eux-mêmes des immigrés. Leur degré d’intégration varie, et certains d’entre eux sont bien moins intégrés que moi. Je connais une dame originaire de Chine qui vit dans ce pays depuis vingt ans. Un jour, je l’ai invitée à déjeuner dans un restaurant italien. Même les plats les plus courants lui étaient inconnus. Elle croyait que le mot Pizza était le nom d’une chaîne de magasins, comme Te Amo. Elle a été étonnée de s’apercevoir qu’une partie de cette nourriture étrangère était réellement savoureuse. Elle était incroyablement peu intégrée, ce qui lui occasionnait de graves problèmes. Pour autant, je peux garantir qu’en aucune circonstance elle n’aurait envisagé de résoudre ses problèmes en brûlant une voiture. Elle n’était pas musulmane.

Le prétexte que les musulmans ont invoqué cette fois-ci semble presque raisonnable par comparaison. Combien de fois avez-vous entendu dire qu’ils considéraient toute image de Mahomet comme une insulte envers leur religion ? Vous voulez que je vous dise ? Ce n’est là encore qu’un mensonge islamique de plus.

Sur mon bureau, j’ai un livre d’Andrew Bostom intitulé The Legacy of Jihad. L’illustration qui orne la couverture représente le massacre des Juifs de Médine. Ce massacre est surveillé par le faux prophète en personne, accompagné (si je ne me trompe) de son cousin Ali et de leurs épouses sans visage. Inutile d’être un expert en œuvres d’art pour se rendre compte qu’il s’agit de l’œuvre d’un artiste musulman. Produite au XIXe siècle, elle trahit l’ignorance totale, de la part de son auteur, des lois de la perspective et autres techniques fondamentales utilisées par les artistes européens depuis des siècles. Dans cette peinture, les flammes ressemblent à une sorte de cactus en contreplaqué, et il faut faire un sacré effort d’imagination pour comprendre lesquelles des victimes sont déjà terrassées et lesquelles sont encore debout.

En résumé, ce chef-d’œuvre islamique reste loin du niveau de perfection atteint par les artistes de Cro-Magnon quelque 30 000 ans plus tôt. Il n’en représente pas moins, même avec un tel simplisme, le témoignage d’un des nombreux épisodes génocidaires dont toute l’histoire de l’islam est constituée et de la soif de sang génocidaire qui en est l’essence même. Je n’ai jamais entendu dire que les musulmans trouvaient à redire à cette représentation, même si leur führer bien-aimé, quand on l’observe avec attention, semble être gravement constipé.

De façon générale, je crois que les gens – que ce soit individuellement ou collectivement – ne méritent jamais un respect plus grand que celui qu’ils montrent pour autrui. Quand, pour la dernière fois, des musulmans pratiquants ont-ils montré le moindre respect pour quoi que ce soit ou pour quiconque en dehors de leur culte de la mort ? La réponse, c’est : jamais. Mais finalement, cette question est elle-même problématique, sachant que dans le monde musulman, respect est synonyme de peur et de soumission. Elle devient plus problématique encore si l’on se souvient que chaque centimètre carré du soi-disant monde musulman a été pris par les musulmans à ses propriétaires légitimes en recourant au djihad, cette guerre musulmane de conquête et de génocide qui se poursuit sans interruption depuis quatorze siècles.

Qui a oublié comment, en 2002, des terroristes arabes, pour échapper aux forces de défense israéliennes, se sont barricadés à l’intérieur de l’Église de la Nativité et ont pris en otages les prêtres qui s’y trouvaient ? Ces Arabes n’ont pas hésité à uriner et à déféquer à l’intérieur de l’église. Imaginez la réaction du monde musulman si des « infidèles » avaient fait quelque chose de similaire dans la plus insignifiante mosquée du globe.

Bien que l’Église de la Nativité soit un des lieux saints les plus importants pour la chrétienté, pas un seul musulman n’a protesté contre sa profanation. Quant aux chrétiens, ils n’ont pas exigé d’excuses de la part de ces musulmans, ni de leurs chefs, ni des autorités musulmanes en général. Dans aucun pays chrétien, il n’y a eu de réaction violente anti-musulmane. Au lieu de cela, les chrétiens, conformément à leur tradition deux fois millénaire, ont rendu les Juifs responsables de l’incident. Les Juifs, fidèles comme toujours à leurs propres coutumes, n’ont pas non plus réagi à ce nouvel appel au meurtre par des actes violents à l’encontre des chrétiens.

Cela montre l’importance de l’antisémitisme dans les affaires du monde. Les Juifs sont le bouc émissaire tout trouvé des scélérats. A la majorité de ceux qu’ils prennent pour cible, l’antisémitisme apporte l’agréable illusion que les scélérats s’en prennent à quelqu’un d’autre. C’est cette tactique simple qui permet à notre ennemi commun de nous plumer un par un, et chaque fois que nous perdons l’un des nôtres, nous nous illusionnons nous-mêmes en nous disant qu’ils ne viendront jamais jusqu’à notre porte.

Il est à peu près certain que c’est ce qu’ils feront, tout comme ils sont venus jusqu’à la porte des Danois. La réaction du monde chrétien a été aussi lâche que la réaction des Israéliens aux atrocités arabes sur leur territoire. Prenons le boycott des produits danois, par exemple. Quelle aurait été une réaction appropriée de la part du monde civilisé ? N’importe quelle réaction, pourvu qu’elle ait été significative. Or, pas un seul pays occidental, pas un seul producteur occidental n’a retiré ses produits des circuits de distribution du monde musulman par solidarité avec la position du Danemark en faveur de la liberté d’expression.

Une telle réponse aurait-elle représenté le moindre danger ? Bien sûr que non. Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour accomplir la prophétie de Lénine, nous vendons à nos ennemis la corde avec laquelle ils viendront nous pendre.

À l’accusation d’irrespect envers le Coran dans la baie de Guantanamo, quelle aurait été la réaction américaine appropriée ? La confiscation immédiate de tous les exemplaires du Coran des prisonniers. Y avait-il le moindre danger à agir ainsi ? Bien sûr que non. Mais il est bien plus important pour nous de rester politiquement corrects que de gagner la guerre déclenchée contre nous par les musulmans.

La moindre mesure de l’administration Bush contre la terreur fait l’objet d’un examen malveillant, par le biais du soupçon de possibles violations de nos droits constitutionnels et d’érosion de nos libertés. Je vais vous dire ce qui constitue la plus abominable et la plus dangereuse violation de mes droits constitutionnels, ce qui menace mes libertés plus que toute autre chose. C’est l’influence toujours plus grande de l’islam dans ce pays. Est-ce si difficile de comprendre que la  composante la plus importante de la liberté n’est pas mentionnée dans la Déclaration des Droits parce qu’elle est tenue pour évidente, comme l’oxygène dans l’air que nous respirons ? Est-ce si difficile de comprendre que la  composante la plus vitale de la liberté est la sécurité des personnes ?

On ne peut pas être libre quand on n’est pas en sécurité. On ne peut pas être libre dans son propre pays quand la population musulmane augmente. On ne peut pas être en sécurité dans ce monde quand l’islam se répand comme un cancer avec ses métastases et quand les gouvernements occidentaux, y compris le nôtre, au lieu de faire quoi que ce soit pour s’y opposer, concourent à qui fera preuve de la dhimmitude la plus abjecte.

Cependant, il n’y a plus eu d’attaque terroriste à l’intérieur du pays depuis plus de quatre ans, pourrait-on objecter. Très bien, demandons-nous pourquoi. Est-ce en raison des efforts héroïques et de l’efficacité incroyable du Département de la Sécurité Intérieure, du FBI, de la CIA ? Dans une certaine mesure, oui, encore que des groupes de citoyens bien comme il faut s’emploient régulièrement à compromettre le succès de leur action. Mais ces organismes, de par leur nature même, ne peuvent prendre que des mesures défensives, donc passives, or tout le monde sait qu’aucune guerre ne peut être gagnée uniquement par des mesures défensives et passives.

En vérité, nos ennemis n’ont pas besoin de commettre une nouvelle atrocité dans l’immédiat. L’immigration en masse des musulmans aux États-Unis continue. D’ici deux générations, ils seront assez nombreux pour pouvoir rejeter la Constitution et voter pour la Sharia. Le jour où nos autorités tenteront d’empêcher la réussite de leur entreprise, il y aura une autre attaque terroriste aux États-Unis, et nos dirigeants, comme leurs collègues d’Europe occidentale, procéderont docilement aux accommodements nécessaires.

Nos mésaventures en Afghanistan et en Irak ne contribuent nullement à empêcher que cela se produise. L’administration américaine s’est sans doute rendu compte depuis longtemps que notre présence militaire là-bas ne contribuait en rien à réduire la menace du terrorisme : c’est pourquoi elle a remplacé l’objectif initial inatteignable de notre invasion par la chimère de l’instauration de la démocratie au Moyen-Orient. C’est pourquoi Oussama ben Laden continue de dicter ses lettres au peuple américain.

Le seul résultat tangible de notre conquête absurdement bénévole est la détérioration continue et la destruction imminente de la seule démocratie qui soit possible dans cette région empoisonnée.

Le jour où les imams et les ayatollahs ont décidé que les rituels électoraux de l’Occident, bien que futiles et vains, n’étaient pas contraires à la charia, les musulmans en Afghanistan, en Irak et dans les territoires d’Israël occupés par les Arabes sont allés aux urnes. Les élections qui ont eu lieu en Afghanistan ont été aussi dénuées de sens qu’elles l’étaient habituellement en Union soviétique, où l’on obligeait les gens à voter pour le seul candidat d’une liste unique. En Irak, elles ont porté au pouvoir des gens qui nous étaient ouvertement hostiles et qui s’opposaient à nos objectifs, mais c’était inévitable puisqu’en Irak, tout le monde nous est hostile et s’oppose à nos objectifs. En Israël, les Arabes se sont fait une joie de saisir cette occasion de montrer, de façon éhontée, qu’ils n’étaient pas un « peuple » mais une organisation terroriste.

Et cependant, nous continuons à traiter ce moins que rien de Hamid Karzai comme un allié. Nous continuons à faire comme si la mort de nos soldats en Irak allait apporter quelque chose de bon à ce pays. Et nous retenons notre souffle en attendant de voir si le Hamas acceptera de reconnaître le droit d’Israël à exister. Pourquoi n’est-ce pas le Hamas qui se préoccupe de savoir si Israël acceptera son droit à exister ?

Ce ne sont pas les signes de notre défaite. Ce sont les signes de notre désintégration.

Il y a trente-six ans, l’Iran attaquait les États-Unis et prenait en otages soixante-six de nos concitoyens. Tout le monde a alors considéré que les États-Unis étaient impuissants à réagir à l’agression iranienne, car cela risquait d’entraîner l’exécution des otages. Malheureusement, les États-Unis ont accepté cette vision lâche.

C’était une vision lâche car, à cette époque, les Iraniens, même en théorie, ne pouvaient faire de mal à personne hormis les soixante-six otages qu’ils détenaient. Les États-Unis, en revanche, auraient pu facilement prendre en otage le pays tout entier, avec la promesse claire et crédible de lâcher la foudre du ciel au moindre mal causé aux captifs.

À la place de Jimmy Carter, n’importe quelle personne sensée aurait laissé vingt-quatre heures aux ayatollahs pour libérer les otages et nous livrer les cinq cents « étudiants révolutionnaires » qui avaient envahi l’ambassade et aurait procédé, s’ils ne s’exécutaient pas, à la destruction systématique et méthodique des lieux « saints » iraniens, des quartiers résidentiels de l’élite au pouvoir, des installations pétrolières et de tout ce qu’il aurait fallu brûler pour obtenir que le nouveau régime iranien demeure pour toujours la preuve la plus convaincante de l’inébranlable volonté de paix de l’islam. Quand bien même les « étudiants révolutionnaires » auraient été assez stupides pour faire du mal à leurs captifs, aucun musulman n’aurait plus jamais envisagé de prendre des Américains en otages ni de précipiter nos avions sur nos gratte-ciel.

Mais Jimmy Carter n’était pas du genre à saisir leurs enfants pour les écraser sur le rocher. Il a toujours préféré voir nos enfants se faire écraser sur le rocher, et c’est précisément ce qui lui a valu son prix Nobel de la paix. Aujourd’hui, vingt-six ans plus tard, un de ceux qui ont organisé l’attaque des États-Unis dirige le front iranien du djihad mondial, avec le titre officiel de président de la République islamique, et il est sur le point d’acquérir des armes atomiques. Qu’allons-nous faire ? Que pouvons-nous faire ?

Nous pouvons faire beaucoup. Nous sommes parfaitement capables de stopper le djihad pour toujours d’ici mercredi prochain. Mais au lieu de cela, nous ne ferons rien, car saisir les enfants de Babylone pour les écraser sur le rocher suppose un courage que nous n’avons plus.

Mes chers amis, nous ne sommes finalement pas si différents de ces paysans azéris. Simplement, ce que nous contemplons passivement et en silence, ce n’est pas l’accouplement des chiens mais le déroulement d’une nouvelle Shoah.


Zack Lieberberg est mathématicien et informaticien et habite New York.

© 2006 - Zack Lieberberg & Yashiko Sagamori - http://middleeastfacts.com/yashiko/
© 2009 - Marcoroz pour la traduction

jeudi 21 août 2014

Blinis et caviar, ragoût d'agneau à l'iranienne...

par Yashiko Sagamori

De : Arkady Mazin [xxxxxxx@xxxxxxxx] Envoyé : Sun 11/20/2005 1:41AM
À : yashiko.sagamori@xxxxxxxxx

Sujet : Hello
Désolé, j’ai eu quelques difficultés à essayer de taper « Chère Madame » ou quelque chose dans ce style. Il m’est difficile d’être poli avec un certain genre de personne. Contrairement à vous, je n’ai pas besoin de me dissimuler derrière un pseudonyme, même si j’ai déjà reçu deux ou trois fois dans ma vie des menaces en raison de mon activité professionnelle. Je m’appelle Arkady Mazin, et je suis un journaliste israélien. Je ne crois pas qu’un quelconque argument sérieux puisse vous permettre de réaliser vos erreurs, car je suis sûr que la vérité ne vous intéresse absolument pas. Je me suis simplement senti obligé d’exprimer mon opinion sur votre pseudo « journalisme » : je pense que votre ignorance prend des proportions incroyables et ne peut être comparée qu’à votre haine aveugle. Les gens comme vous bouffent la haine, boivent la haine et nourrissent les autres de leur haine. Vous êtes une nazie d’aujourd’hui. J’avais commencé à écrire : « Gœbbels serait fier de vous », et puis je me suis souvenu que lui était tout de même un professionnel. Moi, je suis israélien et juif, et j’ai très honte à l’idée que des gens comme vous pensent qu’ils défendent ma cause.



Mon cher Monsieur Mazin[1],

Contrairement à vous, j’utilise sans effort une formule de politesse à la française en espérant satisfaire à vos critères de politesse verbale, bien qu’à ma connaissance, de mon côté de l’Atlantique, la dernière femme à s’être fait donner du Chère Madame ait été Xaviera Hollander[2]. Voilà qui me fournit un indice sans équivoque concernant la source de votre notion du bon ton.

J’applaudis le courage avec lequel vous m’avez jeté votre vrai nom à la face. À l’évidence, vous n’avez pas peur de moi, ni de mes petits voyous. Vous saviez qu’ils étaient en vacances, ou bien vous êtes toujours aussi téméraire ?

Maintenant, après vous avoir ainsi prodigué des compliments sans compter, je pense que je peux aussi me permettre de vous faire une critique amicale. Contrairement à ce que vous pensez, votre lettre colérique n’exprime aucune opinion d’aucune sorte. Si je dis « Vous avez tort » et si j’explique précisément ce qui m’a menée à cette conclusion, j’exprime une opinion. Quand vous hurlez quelque chose avec le mot « nazi(e) », vous n’exprimez que votre colère. En étalant ainsi vos émotions en public, ce que vous dévoilez, c’est vous-même, et non l’objet de vos émotions.

Vous avez raison à 100 % quand vous me faites remarquer que je ne suis qu’une dilettante. Contrairement au Dr Gœbbels et à vous-même, je ne suis pas une propagandiste professionnelle. Je ne me suis jamais considérée comme une journaliste. Je partage simplement mes idées avec quiconque peut être intéressé à les connaître. Je fais pour le plaisir ce que vous faites pour de l’argent, ce qui fait entre nous autant de différence qu’entre une femme amoureuse et une prostituée. Par conséquent, je n’ai pas de mal à comprendre la raison pour laquelle vous m’en voulez.

Vous avez de quoi être en colère, car malgré mon indéniable dilettantisme et votre glorieux professionnalisme, vous avez visiblement l’habitude, comme des milliers de personnes dans le monde entier, de lire ce qui sort de mon stylo de dilettante, alors que moi, je n’aurais jamais entendu parler de vous de toute ma vie si vous ne vous étiez pas fait bruyamment connaître avec votre lettre.

Votre lettre a suscité ma curiosité. Comme vous n’avez même pas essayé de m’expliquer au juste avec quoi vous étiez aussi passionnément en désaccord dans mes écrits, j’ai entrepris de trouver vos articles afin d’en déduire vos idées. J’en ai lu plusieurs. Étant vous-même auteur, vous connaissez sans doute ce sentiment qu’on éprouve parfois en lisant quelque chose de mieux écrit par un autre auteur. On se sent envieux. On se demande : « Pourquoi ce n’est pas moi qui ai écrit ça ? » En lisant vos articles, je n’ai rien éprouvé de tel. Pire, je n’y ai pas trouvé d’idées, ni donc de raison de lire à nouveau quoi que ce soit que vous pourriez écrire.

Parce que je suis une personne honnête et objective, il me faut ici reconnaître que tout le monde n’est pas d’accord avec moi. En effet, dans un récent sondage effectué auprès des lecteurs de la presse israélienne, 4 % des personnes interrogées vous ont cité comme étant leur journaliste préféré. Le nombre total de personnes interrogées était 76. Cela signifie que votre fan club comporte légèrement plus de 3 membres, mais bien moins que 4. Les trois membres, ça ne peut être que vous, votre mère et votre père. Quant à la décimale, je ne peux que supposer que vous avez un hamster.

Vous vous exprimez bien mieux quand ce n’est pas écrit pour être vendu. J’ai trouvé des exemples de vos poésies dans lesquels vous n’avez pas honte de faire rimer rose avec chose ni d’utiliser le mot assurance uniquement parce qu’en russe, ce mot rime avec quelque chose de poli qu’on évite d’écrire. Et je me suis dit qu’habituellement, à votre âge, les garçons ont dépassé le stade de l’humour scatologique. J’ai trouvé une photo sur laquelle vous ressemblez à un apprenti John Lennon de province qui espérerait rencontrer un jour sa Yoko Ono. Mais ce qui vous différencie de Lennon, ce n’est pas simplement l’absence de talent, c’est aussi l’absence totale de bon goût. Vous vous êtes dévoilé par inadvertance en postant sur votre site la photo d’une jeune femme et en indiquant que l’expression de son visage vous rappelait ce qui vous manque le plus cruellement dans votre vie. Si j’en juge d’après cette photo, vous devez être tout petit, Monsieur Mazin. Mais ne vous désespérez pas. Vous n’avez pas fini de grandir. Vous pouvez encore grandir assez pour avoir honte de ce que vous êtes aujourd’hui.

Pour finir, j’aimerais vous dire quelques mots sur moi. Le jour où j’ai fini par tomber sur votre lettre débordante de colère dans ma boîte à lettres débordant de courrier, nous avions des amis à dîner. Au menu : en entrée, blinis et caviar, comme plat principal, ragoût d’agneau à l’iranienne, puis un assortiment de fromages portugais et des fruits frais comme dessert. Et pour accompagner tout cela : Stolichnaya frappée avec les blinis, Amarone Valpolicella avec le ragoût, Porto avec le fromage, et quand nous sommes sortis de table, nous avons siroté de l’Armagnac et du Balvenie. Est-ce que cela ressemble à de la haine, pour vous ?

Au revoir, mon ami ! [1] Vôtre toujours,

Y.S.

P.S.: Je ne pense pas défendre votre cause. Je ne pense pas que vous ayez une cause.


[1] En français dans le texte.
[2] Call-girl et actrice de cinéma pornographique qui eut son heure de gloire dans les années soixante-dix.

Yashiko Sagamori est consultante en informatique à New York.

© 2005 - Yashiko Sagamori - middleeastfacts.com
© 2008 - Marcoroz pour la traduction

Un peuple disproportionné

par Yashiko Sagamori

Dans les premiers moments de la guerre d’Israël contre le Hezbollah, alors que tout le monde était d’accord pour qualifier de « disproportionnée » la réponse israélienne à une nouvelle série d’agressions arabes quotidiennes et meurtrières, je me suis soudain rendu compte que les Juifs, à tous égards, étaient une nation extrêmement disproportionnée. Bien qu’une personne sur quatre cents seulement soit juive sur cette Terre, nous exerçons une telle influence sur tout ce qui arrive sur cette planète que la plupart des gens croient sincèrement que nous contrôlons le monde par le biais de quelque conspiration sioniste maléfique.

Nous sommes sur-représentés de façon disproportionnée dans pratiquement toutes les activités humaines, depuis la liste des lauréats du prix Nobel jusqu’à la fréquentation des chambres à gaz d’Auschwitz. Notre contribution au bien-être du monde est disproportionnée de façon grotesque, et la haine avec laquelle le monde nous répond est encore plus disproportionnée.

Ces derniers jours, ces derniers mois, ces dernières semaines, les Juifs ont été répétitivement accusés d’assassiner des Arabes, alors que ces derniers étaient en réalité assassinés par d’autres Arabes. Ainsi, par exemple, quelqu’un se souvient-il encore de cette famille arabe tuée dans une explosion sur une plage, quelque part à Gaza ? C’est arrivé juste avant que ne commence vraiment la dernière phase du conflit. Pendant les quelques jours qu’il a fallu pour prouver sans l’ombre d’un doute que l’explosion n’avait pas été provoquée par l’artillerie israélienne, le monde entier s’est mis à déplorer avec enthousiasme les nouvelles victimes civiles innocentes de ces Juifs assoiffés de sang. Dès qu’il est devenu évident que l’explosion avait été provoquée par une mine laissée sur une plage publique par des Arabes et qu’Israël était donc innocent de cette tuerie d’un genre particulier, on a tout de suite oublié aussi bien l’événement que les victimes.

Ce fait divers étant tout sauf unique, la raison pour laquelle ce sont les Juifs et personne d’autre qui ont tué Jésus devrait être évidente. Aujourd’hui encore, si quelqu’un parvenait à prouver que Jésus a été tué par des Arabes (ou par des Nord-Coréens, par des Cubains ou par le KGB, ou par les Khmers Rouges, ou par les Hutus, ou par n’importe qui d’autre sauf les Juifs, par les Romains par exemple), ce serait la fin du christianisme. En l’espace d’une semaine, plus personne ne se rappellerait qui était Jésus, malgré le nombre de tables qu’il a pu faire valser au Temple. N’importe qui peut tuer, mais ceux qui sont (prétendument, prétendument !) tués par des Juifs deviennent automatiquement des martyrs, des saints, et même quelquefois, surtout si la victime se trouve être juive (vous ne pensiez tout de même pas que Jésus était un anglican ni un orthodoxe russe ?), les dieux des autres peuples.

Ça, c’est disproportionné.

Mais faisons un peu de théorie. Imaginons qu’au lieu de plaire aux antisémites, les Juifs décident de réagir à chaque agression de façon proportionnée. Dans le monde actuel, les pires anti-juifs, les assassins de Juifs les plus avides, sont les musulmans. Ils sont plus nombreux que les Juifs dans une proportion d’environ cent contre un. Par conséquent, si nous voulions respecter les proportions, chaque fois qu’un musulman fait du mal à un Juif, nous devrions faire du mal à cent musulmans.

Ainsi, par exemple, quand les Arabes ont détruit le tombeau de Joseph et assassiné le rabbin Lieberman qui tentait de sauver quelques-uns des livres qui y avaient été conservés, les Juifs auraient dû détruire cent mosquées d’importance historique comparable et assassiner cent mollahs. Cela, en plus de reprendre le tombeau de Joseph et de faire en sorte qu’aucun Arabe ne puisse plus jamais s’en approcher à portée de fusil.

En représailles contre l’attaque terroriste récente à Seattle, nous aurions dû attaquer cent associations musulmanes sur le sol américain, tuer cent femmes musulmanes et en blesser cinq cents autres, dont trois cents grièvement.

Comment Israël aurait-il dû réagir à l’assassinat de Tali Hatuel, une Israélienne enceinte, et de ses quatre filles, Hila, Hadar, Roni et Mirav ? En mettant à mort cent femmes arabes enceintes ainsi que quatre cents de leurs mignons petits enfants.

Quand la foule cannibale de Ramallah a littéralement mis en pièces deux réservistes israéliens, Vadim Norzhich et Yosef Avrahami, Israël a envoyé un hélicoptère bombarder le commissariat dans lequel la tuerie avait eu lieu. Comme d’habitude, la réponse israélienne a été qualifiée de disproportionnée, bien que les lâches auxquels il était fait référence aient veillé à ce que le bâtiment soit vide au moment des représailles. Quelle aurait été une réaction proportionnée à cet assassinat ? Rassembler deux cents jeunes Arabes du quartier, les attacher, les aligner dans la principale artère de Ramallah et faire passer lentement un bulldozer sur eux. Si cela vous paraît inhumain, il suffit de leur donner de la Novocaïne avant d’utiliser le bulldozer.

Ça vous effraie ? Détendez-vous, mes chers lecteurs, je ne suis pas en train de vous proposer de le faire pour de vrai. Je m’adresse aux Juifs. Quand vous décidez de faire régner la justice, vous écrivez une lettre anonyme aux autorités compétentes ? Moi, je vous propose quelque chose de complètement différent. Ce que je veux dire ici, c’est qu’une réaction véritablement proportionnée aux atrocités arabes aurait eu un effet comparable à celui des deux bombes atomiques lâchées sur le Japon, les radiations en moins. Elle aurait mis définitivement fin à la guerre des Arabes contre Israël, et c’est donc la politique qu’aurait dû adopter le gouvernement israélien depuis le jour où les Arabes se sont promis de détruire Israël.

Au passage, une petite – très petite – dose de ce remède terriblement amer aurait sauvé, à long terme, des milliers et des milliers de vie, chez les Juifs comme chez les Arabes, tout comme Hiroshima et Nagasaki ont sauvé environ un million de soldats américains et pas moins de trois millions de civils japonais.

En réponse à mon raisonnement tout à fait limpide, je m’attends à une petite avalanche de courriers électroniques me traitant de nazie et me comparant défavorablement à divers dignitaires du Troisième Reich. Voilà ce qui me rend perplexe : pourquoi tous ces gens ne dirigent-ils jamais leur juste colère contre ceux qui travaillent ostensiblement à faire advenir la prochaine Shoah ? Comme c’est terriblement disproportionné de leur part !

Enfin, à propos de la Shoah – je parle de celle qui a déjà eu lieu – qu’aurait été selon vous une réponse proportionnée à cela ?


Yashiko Sagamori est consultante en informatique à New York.

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© 2008 - Marcoroz pour la traduction

Une demi-acre et une mule

par Zack Lieberberg

Chers amis chrétiens,

Je suis juif et j’ai toujours vécu parmi vous. Certains d’entre vous sont mes plus proches amis. Certains d’entre vous sont de proches parents. Certains d’entre vous sont des antisémites pervers. Toutes les langues que je sais parler, c’est vous qui les avez créées. La plupart des livres que j’ai aimés, c’est vous qui les avez écrits. Tous mes tableaux préférés, sans exception, c’est vous qui les avez peints. C’est vous qui avez construit les maisons dans lesquelles j’ai vécu et les voitures que j’ai conduites. De toutes les filles que j’ai aimées, la plupart étaient chrétiennes ; et sachant qu’aucune d’entre elles n’est beaucoup plus jeune que moi, j’espère qu’elles apprécieront de m’entendre dire, avec la plus grande sincérité dont je suis capable, que je me souviens de chacune d’elles avec plus de tendresse et de gratitude que ce que Julio Iglesias ne pourrait jamais espérer chanter.

Il y a des années, quand j’étais encore un jeune homme, persuadé que le monde était bien fait et que tous les humains étaient nés égaux et partageaient les mêmes beaux rêves, j’avais essayé de vivre dans un pays musulman. C’est là que j’ai appris. Maintenant, je sais que les hommes ne sont égaux que devant la loi et seulement dans les rares endroits dans lesquels ces lois sont dans les livres et sont appliquées. Je sais maintenant que les rêves de certains sont pires que nos pires cauchemars. Enfin, mes amis, j’ai appris à apprécier à quel point vous êtes plus aimables que la plus grande partie du reste du genre humain. Si bien que le jour où les chrétiens m’ont rendu la vie impossible dans le pays chrétien qui m’avait vu naître, je suis allé vivre dans un autre pays chrétien. C’était il y a vingt-trois ans, et je pense toujours que mon choix d’un pays dans lequel je puisse être chez moi a été la deuxième meilleure décision que j’aie jamais prise, la première étant d’épouser celle qui est aujourd’hui ma seconde femme.

Je pourrais continuer ainsi encore longtemps, et toujours, mais je pourrais aussi résumer ce que je ressens pour vous en trois mots : je vous aime.

Mais ce n’est pas d’amour qu’il s’agit ici. J’ai un sujet plus important à aborder. Si je vous écris aujourd’hui, c’est pour que vous sachiez que vous avez des comptes à me rendre, et de sacrés comptes. Vous avez des comptes à me rendre pour ces deux mille ans de tortures et de persécutions que j’ai subies et que j’endure encore entre vos mains. Et avant que vous me répondiez qu’aucun d’entre vous n’a jamais participé lui-même à un seul pogrom, laissez-moi vous rappeler qu’aucun des miens n’a jamais été personnellement impliqué dans une crucifixion (à l’exception des quelque 250 000 Juifs crucifiés par les Romains à l’époque où le christianisme était encore une secte juive), et que vous n’avez jamais considéré cela comme une excuse valable. Par conséquent, ne me demandez pas non plus d’accepter maintenant votre propre non-participation comme une circonstance atténuante.

Il y a pire. Rien – je dis bien rien, absolument rien – de ce dont vous avez pu nous accuser n’était vrai. Depuis deux mille ans, toutes les accusations que vous avez formulées contre nous ont toujours été fausses. Je répète : toutes les accusations que les chrétiens ont pu prononcer contre les Juifs ont toujours été fausses.

Non, certes, nous ne sommes pas des anges. Nous avons commis nous-mêmes un certain nombre de péchés graves, à commencer par ce maudit veau d’or, mais c’était longtemps avant votre avènement. Certains d’entre nous ont aussi pu commettre des délits ou des crimes au cours de ces deux derniers millénaires.

Cependant, en tant que nation, en tant que peuple, nous sommes innocents d’absolument tout ce dont vous nous avez accusés. Je sais qu’un certain nombre de chrétiens et même certains Juifs trouveront cette révélation choquante et difficile à croire. Si jamais vous en êtes, citez donc un seul exemple dans lequel nous aurions empoisonné des puits, propagé la peste, provoqué un tsunami, utilisé du sang humain pour fabriquer nos pains azymes, écrit les Protocoles des Sages de Sion, grossi les statistiques de la Shoah, volé des organes vitaux à des enfants arabes, commis un acte d’agression ou quoi que ce soit d’autre qui puisse constituer une explication parfaitement raisonnable de tous vos crimes contre mon peuple. Ou alors, essayez de prouver la validité du mensonge antisémite le plus dévastateur depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le « peuple palestinien ». Si vous arrivez à prouver la culpabilité collective des Juifs dans un seul de ces exemples, je jure solennellement de me convertir au christianisme. Mais tant que je reste juif, je maintiens ceci : c’est nous qui sommes vos victimes innocentes.

Ça ne vous plaît pas ? Tant pis. C’est pourtant la vérité.

J’aimerais vous raconter ce qui m’est arrivé à Moscou il y a vingt-cinq ans. J’étais dans le métro avec ma femme, enceinte de huit mois à l’époque. Le wagon n’était pas bondé. Tous les sièges étaient occupés, mais à part nous, il n’y avait qu’une passagère debout. Elle se tenait à deux ou trois mètres de nous. C’était une femme jolie, élégante, âgée d’une trentaine d’années. Un des passagers assis juste en face de nous s’est levé, et ma femme a voulu en profiter pour s’asseoir. Tout à coup, cette femme a bondi et a poussé ma femme avec le même geste qu’un joueur de hockey. Je n’exagère pas : si je ne l’avais pas attrapée, elle serait tombée. La femme en a profité pour s’asseoir confortablement, un sourire de satisfaction sur le visage. Un homme qui s’en serait pris de cette façon à une femme enceinte en présence du mari ne s’en serait pas sorti indemne, mais que faire lorsqu’il s’agit d’une femme ? J’ai d’abord pensé qu’elle n’avait pas remarqué l’état de ma femme. Je lui ai demandé : « Vous ne voyez pas qu’elle est enceinte ? » D’une voix claire, agréable, distinguée et naturellement assez forte pour être entendue dans tout le wagon, la femme m’a répondu : « C’est vraiment dommage qu’on n’ait pas laissé Hitler vous exterminer tous, Juifs suceurs de sang ! Ça ne serait pas plus beau, de vivre sur une planète qui ne soit pas empoisonnée par votre puanteur ?  »

À cette question de pure forme, personne n’a répondu. Les gens se sont tous comportés comme s’ils étaient sourds et aveugles. Nous sommes descendus à la station suivante et nous avons attendu la prochaine rame.

Je n’avais aucun lien avec cette femme. Je ne l’avais jamais vue, et grâce à Dieu, je ne l’ai pas revue non plus. Elle était peut-être tatare : les Tatars sont musulmans et détestent les Juifs avec au moins autant de passion que les Arabes. Ou bien, peut-être était-elle tout simplement folle, au sens le plus littéral. Mais ce que je ne peux pas oublier, c’est la façon soudaine dont tous les passagers du wagon ont fermé les yeux et ont fait comme s’ils étaient sourds. Ils étaient pourtant plusieurs dizaines. Bien sûr, je ne me serais pas attendu à ce qu’ils viennent tous au secours de ma femme. Cependant, j’aurais quand même vécu cette expérience autrement si au moins l’un d’entre eux avait fait ce qu’une personne un tant soit peu convenable devrait faire de façon automatique, sans même y réfléchir, dans une telle situation : proposer son siège à cette femme enceinte agressée sous ses yeux. Je crois sincèrement qu’ils se seraient conduits autrement si ma femme et moi avions été des chrétiens comme ils l’étaient tous. Sauf que si nous avions été chrétiens, rien de tout cela ne serait arrivé.

Vous serez peut-être tenté d’expliquer ce comportement par des différences entre les dogmes obscurs du christianisme orthodoxe russe et les nobles enseignements de votre propre Église. Laissez tomber. Cet incident dans le métro de Moscou était la démonstration d’un mode de conduite typiquement chrétien envers les Juifs. Non pas que vous nous haïssiez : ce n’est pas le cas pour la plupart d’entre vous. Seulement, après nous avoir diabolisés pendant deux mille ans, comment pourriez-vous ne pas croire à vos propres mensonges, au moins en partie ? Vous nous assurez que certains de vos meilleurs amis sont des Juifs, et cela se peut très bien. Et cependant, n’avons-nous pas tué Jésus ?

Regardons les choses en face, vous ne nous avez pas pardonné les crimes que vous avez commis contre nous, et je pense que vous ne nous les pardonnerez jamais, même si, le plus souvent, vous ne nous haïssez pas assez pour risquer de vous attirer des ennuis. En général, vous n’en avez pas besoin parce qu’il se trouve toujours, et c’est bien pratique, des gens qui nous haïssent suffisamment pour proposer leurs services. Il y a soixante ans, ce furent les Allemands. Aujourd’hui, ce sont les Arabes. Grâce à eux, vos mains de chrétiens restent toujours propres, comme si elles n’avaient jamais été tâchées d’aucune goutte de sang juif. Quand vous aurez fait justice aux auteurs de la prochaine Shoah, d’autres se porteront volontaires pour s’occuper des rescapés. Si tant est qu’il y ait des rescapés, bien entendu. C’est la raison pour laquelle les Juifs ne seront jamais en sécurité parmi vous.

La restauration (que vous appelez création) d’Israël vous a permis d’exprimer votre antisémitisme dans des termes tout à fait politiquement corrects. Si vous n’êtes pas d’accord avec le gouvernement israélien, vous avez bien le droit de le critiquer, n’est-ce pas ? Surtout si certains de vos meilleurs amis sont juifs. Qu’est-ce que cela peut avoir d’antisémite ? Le président Bush a récemment appelé Israël « une jeune nation ». A-t-il pensé un instant que si Israël était une nouvelle nation en 1948, cela signifiait que c’était une nation créée sur la terre d’un autre peuple et que son véritable propriétaire était fondé à s’y opposer ? A-t-il dit une inexactitude ? Non, c’était une prise de position.

Dès qu’Israël a été rétabli sur une partie de son antique territoire, les Arabes lui ont déclaré la guerre. Qu’ont fait les nations chrétiennes, depuis le début, pour défendre Israël contre cette agression arabe permanente ? Quelques-unes lui ont vendu des armes de temps à autre. Les États-Unis ont souvent bloqué les résolutions anti-israéliennes du Conseil de Sécurité. Cependant, chaque fois que les Arabes ont ouvertement attaqué Israël, les États-Unis s’en sont finalement mêlés pour obliger celui-ci à rendre tout ce qu’il avait conquis lors de ses guerres défensives, ce qui a permis à l’agression arabe contre Israël de continuer. Et toutes ces nations, y compris les États-Unis, de façon de plus en plus honteuse, soutiennent les Arabes contre Israël et contre leurs propres intérêts à long terme.

La création en 1967 de l’« antique peuple palestinien » a été inspirée par le Politburo. Est-ce qu’une seule des nations chrétiennes s’est opposée à ce mensonge antisémite ? Pas plus qu’elles ne s’étaient opposées à tous les autres mensonges antisémites. Aujourd’hui, dans le monde, davantage de capitales ont une ambassade de « Palestine » qu’une ambassade d’Israël. Pourquoi cela ?

Le pétrole est une excuse bien mince pour soutenir les Arabes contre Israël. Les Arabes sont plus dépendants de leurs ventes de pétrole que ne le sont les pays consommateurs. Les Arabes sont obligés d’acheter au monde extérieur tout ce dont ils ont besoin pour survivre, et comme la crotte de chameau n’a pas une cote particulièrement élevée sur le marché international des matières premières, le pétrole est leur seule source de revenu. N’avez-vous jamais entendu dire qu’un embargo sur les ventes irakiennes de pétrole avait entraîné la mort d’un demi-million de bébés irakiens ? Vos prises de position n’ont rien à voir avec le pétrole. Elles ont à voir avec l’antisémitisme.

Votre antisémitisme vous a rendus aveugles aux distinctions entre le bien et le mal. De ce fait, vous avez laissé le mal pénétrer vos foyers. Pendant que vous continuez à marmonner dans un jargon politiquement correct à propos d’une « autre religion d’Abraham » et d’une « religion de paix », l’Europe, naguère chrétienne, est envahie par les musulmans. Les États-Unis ne tarderont pas à connaître le même sort. Non, mes chers amis, nous ne sommes pas en sécurité parmi vous.

J’aime vraiment le pays dans lequel je vis maintenant. Je ne crois pas que les Juifs aient déjà été aussi bien intégrés quelque part dans une société qu’ils le sont aux États-Unis. Peut-être seulement en Allemagne avant la Nuit de Cristal. La Nuit de Cristal, vous pensez qu’elle ne pourrait pas se produire ici ? N’en soyez pas si sûr. Quand les musulmans auront atteint une masse critique aux États-Unis, votre propre sécurité ne sera même plus garantie. Autant j’aime considérer que je suis chez moi ici, autant je vois de plus en plus clairement que mon avenir et l’avenir de mes enfants est en Israël.

Aujourd’hui, les Arabes parlent ouvertement de la destruction totale d’Israël. Leur « plan de paix », celui proposé par les Saoudiens il y a deux ans et récemment repris à Beyrouth, accorde aux Juifs israéliens une possibilité d’échapper à leur extermination. Et pourtant, vous continuez de réclamer une « solution de deux États ». Il faut être sourd pour ignorer la menace arabe proférée contre Israël. Il faut être aveugle pour ne pas voir que la « solution de deux États » serait une solution finale, au sens hitlérien du terme.

Comment se fait-il que j’éprouve tout à coup le même sentiment que dans ce wagon de métro il y a vingt-cinq ans ?

La superficie d’Israël dans ses frontières internationalement reconnues est de 20 699 km2. Ajoutons les hauteurs du Golan (environ 1 295 km2), la Judée et la Samarie (5 607 km2 au total) et Gaza (362 km2), toutes ces zones faisant historiquement partie d’Israël, que vous soyez disposés ou non à accepter cette vérité. Nous obtenons une superficie totale de 27 964 km2.

Avant la Seconde Guerre mondiale, il y avait 18 millions de Juifs dans le monde. Aujourd’hui, nous ne sommes plus que 13 millions. Cela fait deux mille ans que nous vivons parmi vous. Nous avons toujours fait notre part du travail et si vous jetez un coup d’œil à la proportion de Juifs parmi les lauréats du prix Nobel, vous êtes bien obligés d’admettre que nous avons plus que largement contribué à la société.

Il n’y a pas si longtemps, vous promettiez à vos esclaves affranchis quarante acres et une mule. Moi, tout ce que je demande, c’est la moitié d’une acre – non pas de votre pays, mais du mien, et la mule, vous pouvez la garder. Il me semble que nous méritons au moins cela. Si vous nous accordez une demi-acre par personne, nous posséderons alors 6,5 millions d’acres, soit 26 304 km2 de la terre d’Israël. Il restera alors 1 660 km2 non attribués, mais nous aurons besoin de cette surface de terrain pour pouvoir conserver la tradition israélienne qui consiste à planter un arbre en l’honneur de chaque « Juste parmi les nations ».

Ou peut-être pensez-vous qu’il ne nous faut même pas cela ?

Amicalement.


Zack Lieberberg est mathématicien et informaticien et habite New York.

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